Un un jour de tournage à dschang

As’A Telong

Académie As’A Telong, 21 mars 2025. L’atmosphère n’a pas changé. Le podium en bambous et en planches, la batterie, les tam-tams, les tambours, les guitares, les tableaux de peinture accrochés au mur, les flûtes, le jeu de songho, un tabouret en bambous… Les enfants jouent à jouer de quelques-uns des instruments, se déplacent, jouent à cache-cache, pleurent parfois, mais rient surtout. Leurs rires et leurs cris d’excitation emplissent l’air, créant une atmosphère de joie et de liberté.

Lion et moi sommes arrivés tôt, un peu plus tôt que la veille, pour travailler sur Dschang Music. La veille, l’attente a été longue, trop longue même. Finalement, nous avons juste eu à échanger pour planter le décor, penser les contours de Dschang Music et prendre rendez-vous. J’en ai été un peu outré. D’attendre 5 heures sur place, une équipe que j’ai pourtant dû voyager pour « retrouver ». Finalement, nous avons fait ce que nous avons pu et nous sommes séparés.

Aujourd’hui encore, l’attente se fait longue. Les messages laissés dans le groupe de travail n’y changent rien. Étiendem que je finis par appeler m’envoie vaguement un « Je suis en train de faire quelques courses » sans plus. « À quelle heure est-ce que tu arrives et à quelle heure allons-nous bosser ? » Dès que je finis, je viens ! Je suis outré. Mais j’attends, toujours en compagnie de Lion avec qui, pour « tuer » le temps, nous échangeons, échafaudons des plans, faisons quelques blagues à l’humour noir. L’épouse d’As’A Telong nous accoste un moment pour nous proposer du vin de raphia : c’est en vente. Nous commandons un litre et demi. On boira en attendant. Mais si, en terminant, nul n’est pointé, nous reprenons la route. Le nectar se consomme et consume avec lui toute la bile d’il y a peu. Finalement, quand nous parvenons au dernier verre, Étiendem se pointe. Il est en compagnie de Touti, l’un des directeurs de la photographie. Échanges, petits frottements et cap sur l’essentiel, le tournage.

Le matériel est encore au studio de Touti. Lion, qui a une moto, donne un coup de main pour le transport. À présent, il faut tourner. Seulement, l’espace Podium de As’A Telong n’a pas d’électricité. Il y a une idée, utiliser le groupe que le patriarche a dit avoir à sa disposition. Seulement, le groupe électrogène est sans essence. Là se pose le problème du carburant. Nous avons tous des poches, mais aucun n’est assez profond pour couvrir cette dépense. On essaie de « tirer » l’énergie à côté ou depuis le studio, mais le souci des câbles se pose. Il y a à ce moment le soleil qui brille. Alors, à défaut d’énergie pour alimenter les lampes sur le plateau de tournage, on opte pour l’utilisation par défaut de la lumière du soleil. L’odeur de la terre mouillée embaume l’air, créant une atmosphère de fraîcheur et de renouveau.

Après une certaine réticence, on finit par se mettre d’accord sur le principe. On dispose les éléments nécessaires au tournage et, juste à l’heure où on veut démarrer, la pluie commence. Là, silence plateau ! Mais nul ne tourne, ou plutôt si. On prend des vues. Après, silence. Chacun est assis dans son coin. Les uns sont plongés dans leurs téléphones et pianotent sur les claviers. On attend, Godot peut-être ? Impossible de le dire. Il y a comme un vent d’on ne sait quoi qui souffle sur l’équipe.

La pluie tombe. Et ses gouttes sur le toit de tôles chantent une mélodie à laquelle il est difficile de donner une gamme. Le temps passe et, je ne sais d’où est venue cette inspiration, quelqu’un commence à jouer de la batterie. Ses notes sont aussi fausses que les promesses des politiques en campagne électorale. Quelqu’un le lui fait savoir. Il vient d’arriver et semble plutôt bien s’y connaître. C’est d’ailleurs lui qui développant sa science donne les différents instruments qui composent une batterie. Il part des baguettes utilisées pour jouer ( elles sont deux) , continue par le caisse claire, la grosse caisse accompagnée de sa pédale ( elle est défectueuse ici), le charleston, les deux symbales ( splash et crash), les Tom ( trois ici).

Les membres de l’équipe se succèdent à la batterie. Chacun joue comme il sent, mais presque toujours un air différent de ce qu’il a en tête : l’expertise n’y est pas encore.

Le chapitre de la batterie refermé, on s’essaie, avec un peu plus de succès, aux instruments à percussion. Le rythme est tellement entraînant que je me retrouve à chanter une mélopée locale, les autres m’y encouragent.
La pluie tombe toujours, mais on ne l’écoute plus. La bonne humeur a remplacé la crispation, l’atmosphère s’est réchauffée malgré le froid qu’entraîne toujours la pluie à Dschang.
Et comme pour mettre un peu d’épices dans la sauce, le maître As’A Telong se saisit lui aussi de sa guitare qu’il gratte et produit un son qui, sans s’annoncer, vient s’incruster dans la symphonie d’ensemble: Quelle belle mélodie !

La pluie finit par s’arrêter. Etiendem propose qu’on tourne la première scène, ou plutôt les premières imagés, dans les rues de Dschang.

Sa guitare à l’épaule, As’A Telong chemine et là, silence sur la scène, Ça tourne!!
La musique vient de prendre les commandes, écoutons !!

Preston Kambou

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