Entre le désir et l’interdit

Entre le désir et l’interdit

Comment vivre entre le désir et l’interdit? C’est sur le fil raide de cette question que Maryam Touzani, réalisatrice franco-marocaine, surfe avec délicatesse dans Le bleu de Caftan, son deuxième long métrage dont la trame conduit le téléspectateur au cœur de la vie d’un couple marocain atypique dont le mari est homosexuel.

L’histoire est celle d’Halim, un couturier qui avec sa femme Mina, tient un atelier de couture à Salé au Maroc. Alors que tout le monde est tourné vers les techniques couturières modernes, Halim, lui, travaille à la main. Dans le film il reçoit la commande d’une robe en caftan bleu, un tissu symbole de la richesse et de la profondeur de la culture marocaine, et garant de la préservation des traditions et des valeurs du pays. Ce caftan est présent du début à la fin du film et catalyse l’action de ce dernier. La couleur bleu turquoise du caftan présent dans le film est symbole de pureté, mais aussi d’ouverture ou d’évolution si l’on veut. Cependant, mis en perspective avec le thème de l’homosexualité traité par le drame, ce bleu amène à s’interroger sur la mission de la réalisatrice. Elle semble suggérer une autre lecture de la thématique de l’homosexualité dans un contexte marocain où le poids de la religion et celui de la culture en font un sujet tabou.

La suggestion reste toutefois sous le verrou des traditions séculaires qui l’exposent à moults obstacles. Le regard de la société fait de l’homosexualité un colis piégé, une pratique contre nature. C’est peut être là tout le sens de la préférence de la réalisatrice pour les espaces clos: le film est pour la grande partie tournée entre les murs, un peu comme s’il y aurait un danger à exposer les acteurs et dont le sujet au public.Maryam Touzani est consciente du challenge d’aborder un tel thème dans une société dont les valeurs fondamentales font de son évocation même un crime. Il y a ici urgence de faire preuve de prudence, une prudence qui transparaît des gestes fort calculés de Halim, de la parole presque chuchotée tout au long du film, des regards fuyants, des silences. Le conflit , la suspicion et la dualité pèsent sur le film comme le poids de la tradition sur la vie d’Halim.

Plus loin, l’on perçoit une omniprésence du clair-obscur, l’opposition entre la couture moderne et celle traditionnelle, une forte utilisation des scènes de silences pleins de sous entendus, l’inversion des rôles entre la femme ( Mina) et l’homme (Halim) avec non seulement un foyer où seule la femme prend des initiatives et ce depuis le début : Mina précise dans le film qu’elle fut celle qui demanda Halim en mariage, mais aussi une reconfiguration des moments d’intimité entre la femme et l’homme pour les épurer de leur sensualité.

Dans Le Bleu de Caftan , le désir de sauver les apparences occupe une place de choix. Si Halim sort en public avec Mina, c’est justement dans ce but. Son regard est vague quand ils sont ensemble et ne peut se fixer que le vide de sa pensée triturée. À la vérité, c’est en compagnie de Youssef, son apprenti, qu’il se sent vraiment épanoui. Si d’autres moments de joie véritables parsèment son existence de quasi bête traquée, c’est quand il rencontre des partenaires sexuels occasionnels dans ces hammams publics. Chaque geste de Halim est marqué du sceau de la douceur certes mais d’une douceur qui pourrait traduire l’état trouble de son âme. À bien y regarder, c’est en compagnie de Youssef, son amoureux, qu’il vit ses seuls moments de poésie et de romance vraiment accomplis. Le film laisse finalement perplexe : il fait de Halim, homosexuel, donc paria aux yeux de la culture traditionnelle marocaine, le dernier rempart contre la disparition de l’un des savoirs caractéristiques de la culture marocaine : la confection du caftan.

Le bleu du caftan interroge la notion d’identité et laisse ainsi la porte ouverte à la réflexion. Preston Kambou

Ensemble, faisons briller les étincelles

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