L’Afrique doit redéfinir son système éducatif

« Je veux exploiter mon talent, mon experience de vie et celle professionnelle pour servir le monde à partir de l’Afrique. » Bithien Djalate

Aujourd’hui âgé de 48 ans, l’Ingénieur Togolais Bithien Djalate ne pense plus qu’à une chose : transmettre, aider, apporter sa pierre à l’édification de l’Afrique. Lui qui est né le 17 Octobre 1976 à Lome, d’un père Haut Fonctionnaire et d’une mère employée de Mairie, a connu une enfance paisible car ayant toujours tout eu pour mener à bien ses études. Il en parle avec des étoiles dans les yeux et la gratitude dans l’expression : « Mes parents ont sacrifié beaucoup pour nous offrir les moyens nécessaires pour nos études et d’autres besoins. »

Univers paisible et sécurisé certes, mais dans un cadre où la rigueur était le métronome. Moulé dans l’éducation à l’africaine, le jeune Djalate doit cependant bien se tenir. La règle à la maison est claire : on ne joue pas avec les études. Cela marche jusqu’en classe de terminale où après son baccalauréat, ses parents voudraient qu’il continue mais Bithien veut et doit arrêter. Continuer ses études, et surtout au pays, n’est plus vraiment sa motivation. Il voudrait voyager, planer au dessus des réalités différentes, se nourrir de l’ailleurs pour peut être mieux appréhender les possibles d’ici. Dans sa tête ne joue plus qu’une mélodie, celle de l’évasion. Il s’évade pour se faire plaisir ou pour se découvrir autrement. Son dévolu est jeté sur le pays de l’Oncle Sam. Ce pays qu’il ne connait pas, mais dont la description à travers les films en fait The place to be.

Partir sans savoir où aller

Il immigre aux « States » en 2002. Mais, alors qu’il croit son projet réalisé à un bon pourcentage, Bithien s’aperçoit que le chemin est encore long. Pour dire vrai, il n’est encore qu’au début. Il doit penser à son installation, à son insertion, choses qui sont alors un réel chemin de croix : « Le climat, la gastronomie, les habitudes, tout est différent. Pour pouvoir joindre les deux bouts, je dois batailler dur. Je me rends alors compte que je suis dans un pays où il faut vraiment bosser dur pour espérer avoir sa place au soleil. Alors, je me jette à l’eau pour survivre ».

Les États-Unis loin de la douceur des films Hollywoodiens

Sur le terrain de la vraie vie américaine, Bithien Djalate s’aperçoit de ce que le manque d’éducation professionnelle est un frein véritable. Pris entre le marteau et l’enclume de la réalité américaine, le jeune Bithien doit s’adapter. Pour joindre les deux bouts, il profite in extremis de sa connaissance de la conduite pour postuler et est finalement retenu pour conduire des engins, il finit par être le chargé d’expedition au centre de distribution 6697 chez Sam’s Club, une branche de Walmart, le plus grand employeur après le gouvernement américain. Il est entre autres lauréat du prix de Meilleur employé de l’année 2005 de la compagnie (Associate of the year). Il y passe du temps en même temps qu’il jongle entre les petits boulots. Mais Bithien Djalate est un rêveur. Il se lasse très vite de cette vie de routine où il n’est réduit qu’à des tâches de seconde zone. En même temps, et avec du recul, il commence à comprendre que c’est le savoir qui au final sera son allié dans ce vaste pays de 54 États. Le désir de retourner à l’école lui effleure l’esprit et il doit s’y intéresser. « Le temps m’enseigne l’importance de faire des études. Alors le projet de retourner à l’école s’impose. Pourtant, je le reporte régulièrement, trouvant des prétextes sans fondement. C’est après avoir perdu le boulot que je faisais depuis presque neuf ans, que je décide enfin de me lancer. Un matin je me lève et je me dis, ok, là je n’ai plus rien à perdre. Autant tenter le tout pour le tout, autant sauver l’honneur de la famille. Je décide de retourner faire une formation en mécatronique parce que je nourris à cette époque un projet avec un ami, Ahlin Dedry ingenieur en électricité. Je commence et comprends que c’est la bonne chose à faire. Au cours de ma formation, fort heureusement, je suis influencé par un autre de mes amis, Biova Afantchao qui à cette époque vient d’obtenir son diplôme d’ingenieur. La motivation décuple et je me donne à fond.»

Les parents africains devraient initier leurs enfants à la conduite suffisamment tôt. « 

Quand Djalate parle de son insertion aux USA, l’expérience de son adolescence lui revient toujours. Il pense que ce qui l’a aidé au final, c’est ce que beaucoup de parents reprochent à leurs enfants : la turbulence juvénile et la curiosité excessive. Très jeune, il est un réel touche à tout. Il observe et acquiert des compétences dans la conduite automobile et comme tout jeune, profite souvent de l’absence de ses parents, ou de son oncle Tonton Aimé dont la concession jouxte la leur, pour faire de petits tours avec leurs véhicules.

Bithien Djalate pense que ces « défauts » : turbulence, curiosité, dans une certaine proportion ( le temps a réussi à présenter comme des prédispositions et à transformer pour son cas en avantages), l’ont aidé à s’habituer au goût du risque, à la passion d’essayer, d’oser. Il a ainsi développé certaines aptitudes en partant de sa « turbulence juvénile » qui lui permettent aujourd’hui de déclarer que « les parents africains devraient initier leurs enfants à la conduite suffisamment tôt« . Cela peut aider à annuler le mythe et le danger de conduire sans connaître la prévention routière.

L’exposition aux bonnes pratiques fabrique le génie

Bithien pense que sa réussite, qu’il dit modeste est certes due à sa volonté et sa détermination, mais surtout à l’exposition aux bons milieux. En fait, c’est parce que la vie a voulu qu’il se retrouve aux États Unis et dans un système hautement compétitif où il a remarqué que son manque d’un certain type d’éducation le freinait dans son ascension sociale, que Bithien Djalate a décidé de retourner à l’école malgré son âge à l’époque et le temps passé loin des bancs.

« J’ai fait premièrement mon Diplôme Supérieur de Mécatronique pour soutenir un projet avec le compatriote Ahlin Dedry. Mais je fus inspiré par mon ami Biova Afantchao qui est un ingénieur en électricité. L’influence de ces 2 Ingenieurs m’a donné une ouverture sur le domaine des sciences et des mathématiques. »


En 2017 Bithien Djalate est admis à la Dunwoody College of Technology, l’une des meilleures Écoles de pratique dans le Mindwest des États Unis, créée en 1914 par William Dunwoody. C’est une école des ingénieurs basée à Minneapolis (MINNESOTA). Il en sort diplômé en Technologie Industrielle et agréé de la Six Sigma Green Belt en 2020.

Sans la bonne formation, le potentiel humain africain ne sera qu’une foule sans plus value

La formation est, au sens de ce visionnaire, la base de tout. Si elle est bafouée, le potentiel humain de l’Afrique pourrait ne pas l’aider à sortir de la position subsidiaire qui est encore la sienne aujourd’hui. « En Afrique plus de la moitié de la population est Jeune, ce qui est un potentiel de développement. Mais pour que ce potentiel soit utile, il faut la former à la base dans tous les domaines pour qu’elle soit capable de prendre le destin du continent en main idéologiquement et techniquement. »

Bithien Djalate préconise une reforme de notre éducation. Il penche alors vers une Éducation orientée essentiellement vers la pratique et vers des travaux en atelier afin de stimuler la créativité et réveiller le génie de chaque enfant.
En direction de la jeunesse, il envoie un message qui table sur la discipline pour saisir les opportunités. « La jeunesse africaine doit comprendre qu’il y a un temps pour toute chose. Et la plupart du temps quand on rate des occasions, cela devient plus difficile après. Il faut qu’on éduque la jeunesse pour qu’elle assimile le sentiment d’appartenance à l’Afrique. « L’Afrique fait face à une urgence, celle de l’endoctrinement de son peuple au désir de bien faire et à l’amour de faire de l’Afrique la première priorité. » Il ne peut y avoir, au sens de Bithien Djalate, de développement sans un fondement idéologique bien pensé. Et dans ce cheminement, tout le monde doit contribuer, la diaspora en premier.

L’éducation comme le meilleur instrument de partage d’expérience

Notre ingénieur déborde d’une énergie entrepreneuriale et philanthropique qu’il souhaiterait mettre au service de l’Afrique : « Je veux exploiter mon talent, mon experience de vie et celle professionnelle pour servir le monde, à partir de l’Afrique » déclare-t-il.

Le secteur de l’ingénierie ou l’une des clés de la libération de l’Afrique

Bithien Djalate revendique un parcours professionnel plutôt intéressant. « Après mon Diplôme Supérieur de Mécatronique, j’ai travaillé comme ingénieur Technique pour MTS systems où j’ai particulièrement contribué à la construction de la salle d’essai pour l’ossature de l’ Airbus militaire A400M. Ensuite, j’ai travaillé pour AGM comme Process Engineer. Il y a un peu plus d’un an, je fus recruté par la Lincoln Industries en qualité d’Ingénieur de Manufacture. » M. Bithien Djalate est inscrit aux tableaux de l’ordre des Ingénieurs des États-Unis, de la NSBE (National Society of Black Engineers) ainsi que de la SME (Society of Mechanical Engineers).

Airbus militaire A400M Fuselage en salle d’essai

Signalons que la Lincoln Industries où il travaille est l’entreprise privée de finition des métaux la plus grande et la plus diversifiée de l’Amérique du Nord. Dans cette structure, Bithien Djalate dirige les projets des clients tels que Graco, Toro et Paccar. La Lincoln Industries intervient dans l’agriculture, l’automobile, l’électroménager, les motos de course, les voitures de courses, la raffinerie de pétrole, la fabrication d’outils de mécanique et d’électricité ainsi que dans les camions gros porteurs.

Actuellement, Djalate est sur le projet de la standardisation interne des processus d’ opération et d’amélioration pour la certification ISO.
C’est donc fort de cette expérience et de la vision futuriste qui est sienne, que Bithien Djalate s’engage à investir dans une éducation qui aidera les jeunes africains à être exposés aux bonnes pratiques et expériences techniques dans l’environnement qu’il faut, afin de développer l’étendu réel de leur potentiel. C’est dans cette direction que selon lui, l’Afrique devrait regarder pour occuper la place qui est sienne. Bithien sait que travailler va aussi avec savoir se divertir, se faire plaisir. Ainsi, il est un bon mélomane et se définit aussi comme un homme friand de musique et de comedie, amateur collectionneur de voitures vintages, d’oeuvres d’art plastiques et de verres en crystal.

Pour rester en harmonie avec sa passion, on peut dire que Bithien Djalate espère fournir les outils nécessaires à la création de l’orchestre qui jouera à merveille la musique du développement de l’Afrique. Mais comme pour tout projet d’envergure, il tend la main à toutes les forces vives africaines et même d’ailleurs pour l’implémenter.

Preston Kambou, La Plume du Peuple

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2 Comments

  • Nanfack
    Nanfack
    26 octobre, 2024 at 2:21 pm

    Très bon article.
    Merci beaucoup du partage.

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    • Preston Kambou
      Preston Kambou
      26 octobre, 2024 at 3:28 pm

      Je vous en prie

      Reply

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