Le cosmographisme : une esthétique au service de l’enracinement culturel et patrimonial

Penser que l’art n’est qu’un moyen de divertissement serait affirmer son ignorance des jeux et enjeux idéologiques, géostratégiques et économiques qui structurent le monde artistique. C’est là la position du Foumban Art Room, une association culturelle basée à Foumban ( Ouest Cameroun) qui travaille à promouvoir les valeurs artistiques et culturelles des quatre aires culturelles du Cameroun. Pensée comme un Think Tank de réconciliation du camerounais, avec sa culture, son patrimoine et son identité profonde, l’association regroupe des professionnels de l’art, académiciens et praticiens, qui mènent la recherche pour non seulement ressusciter des valeurs et des pratiques artistiques et culturelles camerounaises, mais milite pour une pratique de l’art qui tienne compte des besoins réels des camerounais en se mettant au service de la promotion de leur patrimoine culturel. La Foumban Art Room, dont l’un des chefs de fil est le Dr Fortuné Bengono, inscrit sa démarche dans un cadre conceptuel dénommé le Cosmographisme.

De quoi le Cosmographisme est il le nom?

Le cosmopolitisme est une esthétique qui renforce l’idée selon laquelle toute œuvre d’art, comme toute démarche artistique, participe de la volonté d’exprimer , et même d’imposer, une vision du monde. Le Dr Fortuné Bengono explique que « Cosmographisme » est un mot-valise composé du vocable »Cosmos » ( au sens grec du monde ordonné et harmonieux_ par opposition au chaos) et du mot « graphisme » (discipline de traitement formel des informations et des savoirs qui en impliquant médiation, réception et appropriation des informations et des savoirs qu’elle met en forme, se positionne comme une discipline carrefour). Cette esthétique valorise la prise en compte des réalités endogènes dans toute démarche de création.

En effet, en pensant l’œuvre d’art comme « une question, une apostrophe, adressée à un cœur qui lui répond, un appel lancé à l’âme et à l’esprit » (Hegel, Introduction à l’Esthétique) le Cosmographisme sonne comme un mur d’interpellation destiné à attirer l’attention sur le soft power de l’art. Il suggère qu’on insiste sur fonction de l’art comme instrument de proposition ou mieux de propagande idéologique qui contribue au façonnage des identités.

En effet, continuer de créer des œuvres d’art au Cameroun, et en Afrique, en se référant uniquement à des modèles esthétiques pensés hors du Cameroun et d’Afrique, serait contribuer à fabriquer d’autres générations de camerounais et d’africains ambassadeurs de l’auto-exotisme.

Le Foumban Art Room, en ayant le Cosmographisme comme baromètre, initie une approche disruptive de l’art contemporain africain. Il suggère la réappropriation de la culture et du patrimoine par les artistes pour à travers leurs créations jouer pleinement leur rôle d’ambassadeurs de leurs communautés. Le challenge est grand dans une Afrique victime de la perte des repères. Mais la pertinence de l’approche reside aussi dans l’interpellation et l’appel à l’éveil. Le Cosmographisme renvoie l’artiste d’aujourd’hui et de demain à l’école du patrimoine pour des œuvres qui non seulement en représentant les communautés de leurs créateurs, parlent mieux à ces dernières.

Preston Kambou

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