Nkouogham, les horizons partagés

Quand l’esprit de partage, de découverte et de solidarité vous anime, 10h de randonnée pédestre peuvent sembler un jeu encore plus simple que ceux du jardin d’enfance. La différence ici se situera au niveau de l’effort. Oui, c’est éreintant. Mieux , c’est asphyxiant !!

Mais la le résultat à la fin vous satisfait et vous donne même de scander haut, à l’unisson : « Yes, We did It ». Un « we did it » qui tonne comme la réplique parfaite au « We can do it » de départ martelé par Mama Colonel, pour contrer le « Vous allez lire l’heure« , taquin, de Papa Colo. Nous l’avons fait. Pourquoi ne pas vous le faire revivre ?

Njikouop, 5 Avril 2025, photo d’avant le début de la randonnée

Les Souvenirs resteront longuement ancrés dans la mémoire de chacun des 13 randonneurs qui se sont donnés pour défi de tutoyer la cime des 1800 m d’altitude du Mont Nkouogham, massif situé à cheval entre les arrondissements de Koutaba, Bangourain et Koiptamo dans le département Noun (Ouest-Cameroun). 10h de marche, 10h d’efforts, 10h à repousser les limites et à s’enrichir de soi, s’enrichir des autres, s’enrichir de la nature, s’enrichir de tout. 10h d’enrichissement pluriel car au final, et c’est le Colonel Mefand Marguérite (Mama Colonel comme nous l’appelons), qui nous a gratifié de la formule,  » chaque rencontre est une richesse« . Merci Mama Colonel pour la sagesse !

Temps de repos avant la reprise du grand exercice

Partant du village Tayandi, nous nous mettons en route pour le village Njikouop, comme des voyageurs qui partent à la découverte d’un monde inconnu. L’excitation est au paroxysme. Le mystère de l’incertain exerce sur chaque randonneur une fascination indescriptible. Découvrir, qu’est ce que ça vous libère un Homme de toutes ses tracasseries ! Le soleil est déjà haut dans le ciel, et les rayons qui filtrent à travers les arbres créent des ombres dansantes sur le sol craquelé de l’asphalte. Nous sommes en voiture et traversons la ville de Foumban. Vieille ville certes, mais dont l’Etat du parc routier donne au voyageur l’image d’une zone abandonnée de la République. Les raisons de cette négligence existent et on les connait. Mais l’heure n’est pas à ce débat là. Braquer les projecteurs sur le côté positif, prendre la vie du bon côté, c’est toujours mieux.

Foumban, ville connue pour sa tradition artisanale et son palais royal, semble aujourd’hui plus qu’hier, déterminée à donner toujours plus de place au tourisme et à la préservation du patrimoine. On le voit à la présence des plaques qui indiquent des sites touristiques comme le site des trois pierres, ou encore la grande enseigne qui, aux portes de la ville, invite à la célébration du patrimoine :  » Célébrons nos patrimoines » peut on y lire.

Profiter de la vue lointaine du Mont Nkouogham

L’aménagement du lac municipal de Foumban par l’exécutif communal vient renforcer cette idée. Le village du Ngouong, du nom du plus vieux festival du Noun, désormais patrimoine de L’UNESCO, construit en hauteur et à l’écart du brouhaha de la ville, est un autre signe.

Nous continuons de rouler. Le relief vallonné aux pics irréguliers du Noun se déroule devant nous comme un livre qu’on feuillette. À l’horizon, comme une exposition itinérante, les collines se succèdent. Après un escale chez un Maire Émérite pour lui présenter nos condoléances suite au décès tragique de sa fille, nous reprenons la route.

Un quart d’heure plus tard, nous atteignons Njikouop, quartier du village Kourom où nous attend Mama Njoya, notre guide que nous n’appelerons que de son pseudonyme Papa Solo. Comme l’a indiqué le Maire émérite, après trois ponts de planches, nous prenons aà gauche au premier carrefour. D’ici, le Mont Nkouogham se présente sous un autre jour. Friands de belles vues, nous nous arrêtons un instant pour une pause photo.Quand nous nous remettons en route, un troupeau de bœufs amaigris, conduits par deux jeunes enfants nous oblige à nous arrêter un instant. Ils traversent un pont de fortune suspendu au-dessus du lit d’un cours d’eau sûrement asséché par la saison sèche passée. Halte au village Njikouop où nous rencontrons les Villageois avec qui nous échangeons, leur remettant les provisions pour les enfants. Ce geste est tout un symbole, une sagesse aussi. On dit de ce côté du pays qu’on ne va pas à la chefferie les mains vides. Et la rencontre a eu lieu à la chefferie Njikouop, quartier de Kourom. Donc…

Communion avec les habitants de Njikouop, remise de dons

Petites indications de fin, Photo de famille et nous voilà partis pour le grand trek, notre conquête du Mont NKOUOGHAM.

L’horloge affiche 14h22. Le soleil au mieux de sa forme, nous étouffe de sa chaleur. Le chemin est long et difficile, mais nous sommes déterminés à atteindre la cime. Il y a de la joie , de la volonté aussi. Le moral des troupes est au beau fixe, alors on y arrivera. Trop enthousiastes, nous avons pris les devants, laissant le guide derrière : erreur. Une centaine de mètres après, il nous fait signe de revenir.: ce n’est pas le bon chemin. Ce cher Papa Solo en profite pour nous montrer ce qu’ils appellent ici le Mont Cameroun. Il s’agit de l’un des massifs du Mont Nkouogham dont le flanc Nord, qui donne sur le village, affiche une touffe d’herbes préfigurant la partie supérieure de la carte du Cameroun. Les traits sont si nets qu’on croirait l’œuvre d’un artiste. L’émerveillement est complet. C’est des « waouh! » et des « incroyables ! » qui suivent la découverte de la merveille. « Le Cameroun s’était il né ici? » Plaisante un randonneur, question suivie d’un rire en chœur.

Cette première merveille nous convainc de ce que la suite sera sûrement plus belle. Nous marchons, chacun chargé de son sac, tenant ou pas son bâton de pèlerin. Papa Colo en vieil habitué donne la conduite à tenir. Nous évoluons rassurés par la présence des militaires. Nous passons à travers des forêts d’arbres, où les branches hautes et fines se balancent doucement dans la brise. Nous traversons des clairières, où les fleurs sauvages poussent en abondance, créant un tapis de couleurs vives et de parfums enivrants.

Notre chemin est fait de pistes étroites et sinueuses, qui serpentent à travers les collines et les vallées. Le sol est sec et craquelé, et les cailloux roulent sous nos pieds. Malgré tout, nous ne nous laissons pas décourager, car nous savons que le sommet est là, quelque part devant nous, caché derrière les nuages et les arbres, attendant notre arrivée pour nous gratifier d’un trésor inconnu. L’intervention régulière de Papa Solo est un booster d’énergie.  » En haut là bas on voit toute la région » nous répète-t-il.

Les mots de Mama Colonel sont des bouffées d’oxygène, des bouquets d’amour et d’encouragement. Elle est la mère qui, bienveillante et maternelle, sait cadenser la marche pour que chacun trouve son compte. Au bout d’une heure de marche, le pied déjà flanche. Les fronts, dégoulinant de sueurs, luisent au soleil. Il est temps de faire halte, de se refaire des forces avant de continuer. Mama Colonel, égale à elle-même offre à notre album peut-être la plus belle photo.

La joie est débordante . Du haut, le village quitté il y a peu, semble pouvoir tenir dans la pomme d’une main. Koutaba, Mbouda, Bamendjing, Bafoussam, Foumban…ne sont plus que de petits points sur le tableau naturaliste que nous regardons en plongée : nous dominons la région, et ce n’ est que le début.

Nous reprenons la marche. Nos pas résonnent sur les voies rocailleuses du Mont Nkouogham, comme si la terre elle-même nous répondait. Les bergers et leurs bœufs nous regardent passer, leurs yeux calmes et profonds comme les puits de la sagesse antique. Une pensée traverse mon esprit : comment les Bagam, faisaient ils pour résister aux intempéries ? Car ces monts Nkouogham, où nous marchons, sont les terres où les Bagam ont laissé leur empreinte, où les rochers, les arbres, les vents, tout semble encore porter la marque de leur présence.

Nous sentons que nous foulons un sol qui a été témoin de leurs rites, de leurs cérémonies, de leurs combats. Les Bamoun, qui les ont délogés, ont peut-être pris leur place, mais l’esprit des Bagam demeure, comme un souffle qui anime encore ces montagnes. Yaya comme s’il avait lu dans mes pensées, me conte qu’à chaque grand événement chez les Bagam, ils retournent au Mont Nkouogham où ils font des rites sur le site d’une chute qui coule en contrebas. Et alors qu’il parle , nous apercevons au loin un daman.de steppes qui monte et descend sur un rocher, comme un messager de l’invisible, un signe que nous sommes sur le chemin des anciens.

La marche devient silencieuse, les mots sont superflus, car la nature a pris le pouvoir. Il s’établit à cet instant même une connexion sans intermédiaire, avec l’air, le vent, les arbres, les rochers, qui semblent s’offrir à une communion avec nous. Nous entendons comme une voix dans le vent, comme le souffle des anciens, partis il y a des millénaires, qui pourtant nous parlent par mille codes, mille symboles, mille signes à décrypter.

La nature elle-même semble nous confesser un secret, nous dire que nous sommes dans un lieu sacré, où les hommes et les dieux se sont rencontrés. Le monde est vivant, et nous sommes les témoins de cette vie, les interprètes de ce langage secret qui nous relie à l’univers. Nous marchons en silence, laissant la nature nous envelopper de son mystère.

(La suite c’est demain. Abonnez-vous et laissez vos impressions !!)

Preston Kambou
Ensemble, faisons briller les étincelles.

2 Comments

  • TCHONANG JIMPIE Stéphane
    TCHONANG JIMPIE Stéphane
    9 avril, 2025 at 4:19 pm

    Beau travail sur la patrimonialisation de notre nature et notre singularité culturelle.

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    • Preston Kambou
      Preston Kambou
      9 avril, 2025 at 4:46 pm

      Merci le père de Piknik Théâtre, un autre moyen de célébrer le patrimoine

      Reply

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