
Quand on regarde un film le plus souvent, le réflexe direct est soit celui de dire : »Waouh, j’adore« , soit celui d’exprimer violemment son « dégoût » pour l’œuvre. Ce jugement facile est normal. Mais il ne sied qu’aux visionneurs de films et on peut le leur concéder, disons avec faute.
Vous brûlez sûrement d’envie de me poser la question choc : » N’est on plus libre de donner son avis ? » À quoi je réponds tout de suite : » Vous l’êtes, et entièrement en plus.En tant que membre du public au sens large, chacun a le droit d’apprécier tout film comme il l’entend« , surtout que tout film est destiné à un public. Et c’est normal que le public donne son avis comme il l’entend.

Cependant l’idéal serait de quitter le simplement normal pour explorer davantage, effeuiller, creuser plus pour toucher et révéler ce qui ne se voit pas tout de suite, quoiqu’il soit montré. C’est à ce niveau qu’intervient le critique.
Faire une critique qu’est ce donc au juste ? C’est, selon Baba Diop (Sénégal), Charles Tesson ( France) et Jean-Marie Mollo Olinga ( Cameroun), trois critiques de renoms et formateurs à la première édition de l’atelier LFC critics initié à la 7e édition des LFC Awards ( projet porté par François Ellong avec le partenariat de Canal+ University), l’art de donner un avis subjectif mais basé sur des arguments cohérents qui le rendent objectif. Faire de la critique c’est donc proposer une lecture personnelle du film en se basant sur des faits tirés du film pour contribuer à construire le cinéma.

Réunis dans l’Atelier sur la critique cinématographique, ces maîtres de l’analyse du cinéma ont su transmettre aux participants des savoirs complexes avec des mots et une approche profondément simples. Les formateurs, tous universitaires et praticiens, ont tenu à marteler d’entrée de jeu que faire de la critique cinématographique ce n’est pas faire un commentaire émotif sur un film, mais l’apprécier dans le sens de mieux l’éclairer pour l’avancée du cinéma. Les premières commentaires des apprenants les ont permis de reprendre cette précision en d’autres mots : » le critique n’est pas un réalisateur bis! » Cette phrase, comme un métronome, a résonné tout au long de l’atelier et continuera forcément de guider les jeunes critiques de l’écurie LFC dans leur pratique.

Critiquer un film dans les règles commence par l’art de le regarder car il y a tout un rituel et une méthode derrière le vionnage d’un film. Mais même après avoir bien visionné un film, c’est à dire dans les conditions optimales, avec des prises de notes et une attention poussée, il faut pouvoir décrypter les différents langages qui s’imbriquent pour créer le film. Les participants l’auront appris, le cinéma dans sa pratique porte bien son nom de septième pour rien. Il est l’assemblage des autres arts. Du coup , le critique pour être efficace doit justifier d’une bonne connaissance de l’histoire de l’art, mais aussi des six premiers arts que sont l’architecture, la sculpture, la peinture, la musique, la poésie ( la littérature) et le spectacle vivant (théâtre, cirque). À tout celà il faut associer la photographie et la lumiere qui sont autant de langages convoqués par le réalisateur et auxquels le critique doit être sensible dans son analyse. Il est donc important pour le critique d’avoir une grande culture générale, mais aussi une bonne connaissance de l’histoire , de l’anthropologie, de la sociologie… pour mener à bien son travail.
Le critique sert de baromètre au cinéaste et, même si leurs relations peuvent sembler tendues à priori, elles gagneraient à s’apaiser car au final, autant le cinéma sans critique est stérile la critique sans cinéma est sans objet.
Preston Kambou